dimanche 23 novembre 2008

Prend le fusil !

Pierre ouvre les yeux. Le sol est chaud, mais tout est noir autour de lui. Il n’a pas mal nulle part. IL est dans un noir des plus complet. Il se lève et fait quelque pas. Il cri. L’écho se fait ressentir quelque temps puis s’estompe au loin. Puis soudainement, à sa droite, une lumière surgit. Pierre ne comprend pas exactement où il peut être. L’endroit semble assez vaste, mais il n’a aucun souvenir qui semble l’avoir conduit dans un tel lieu.

Sous la lumière, une main, revêtue d’une gant noir écaillé, fait son apparition. La main est ouverte et dans la paume de celle-ci se trouve un pistolet. Un Smith & Wesson de modèle Sigma, pour être plus précis. Un modèle qui ressemble étrangement au Glock 19. Ce 9 mm est une des armes les plus accessible rapport qualité prix dans le monde. Et c’est ce revolver, que la main inconnue semble offrir à Pierre, afin que celui-ci le prenne.

Le jeu est relativement simple, dit la voix. Tu as une balle, deux victimes te seront montrés, Tu dois choisir laquelle des deux survivra, et quelle périra.

Le faisceau lumineux est la seule source de lumière dans la pièce, et hormis le gant et le revolver, rien d’autre n’est visible. L’obscurité est telle que Pierre ne voit seulement pas le bout de ses pieds. Il ne voit que sa main que s’il la met sous le faisceau lumineux, comme s’il n’existait pas vraiment, comme si son être tout entier n’était qu’un gaz, une vapeur, un essence. La main lui tend à nouveau le Smith & Wesson.

Pierre hésite. Il n’a jamais tenu de revolver dans ses mains, jamais. La violence lui a toujours fait horreur et il l’a toujours fuit. Pas comme un lâche, mais seulement comme un homme qui sait que la violence est vraiment la dernière des solutions.

Il demande à la voix qu’est-ce qu’il peut arriver s’il refuse de prendre le revolver.

Tu n’as pas d’autre choix et nous resterons ici aussi longtemps qu’il le faudra.

Pierre est perplexe. Il tourne sur lui même. La voix gutturale semble provenir de partout et de nulle part à la fois. Il tend la main pour prendre le revolver mais, sournoisement, il donne un coup sur la main ganté et s’enfuit en direction opposée.

Pierre est un excellent coureur. Pendant ses années scolaires, il faisait parti du club d’athlétisme et c’est sur cette discipline qu’il comptait afin de pouvoir se sauver. IL pouvait rivaliser avec les meilleurs du pays. Après tout, il n’avait pas été champion national pour rien dans sa jeunesse. De plus, même s’il avait quitté la compétition lors de son entré sur le marché du travail., jamais il n’avait cessé de s’entraîner. De la fin de son université, jusqu’à aujourd’hui, à question de 3 fois semaine, il allait au gym. Sans compter qu’il participait au marathon à chaque année depuis 7 ans.

Et là, il court à fond depuis plus de 10 minutes, l’atmosphère est chaude, il est en sueur et pourtant il ne voit toujours rien. Il doit bien avoir couru près de 3 kilomètres, sinon plus, et pourtant c’est toujours le néant devant lui. Il s’arrête pour reprendre son souffle, regarde à gauche, le noir absolu. À droite, le faisceau et la main sont toujours là, ainsi que le revolver. Comme s’il n’avait pas bougé d’un seul centimètre. Comme si la lumière avait été là tout le long de sa course, tenant le revolver.

Prend le, et fais un choix. Tenter de t’enfuir n’est pas une option. Et il est trop tard pour te sauver.

Pierre sait pourtant qu’il a couru. Il est tout en sueur. Il est impossible que quelqu’un ait pu le suivre dans une noirceur aussi opaque et totale. Il est invraisemblable que quelqu’un ait pu le suivre et qu’il n’entende pas ses pas, ni son souffle. Alors qu’il avait pris son courage à deux mains pour se sauver, maintenant c’est l’angoisse qui le saisit. Pierre voit qu’il ne emble pas avoir d’autre choix que prendre le Smith & Wesson. Il tend sa main tremblante vers le revolver et le saisit chétivement.

Tout comme le fusil est à l’intérieur de la paume de sa main, deux lumières s’allument au loin. Deux lumières distinctes, deux halos situés à un mètre l’un de l’autre, deux cônes blancs sur fond noir. Le reste de la pièce demeure cependant d’un noir opaque. La lumière qui illuminait la main est, a quant à elle, complètement disparue, pour laisser place aux deux autres qui sont à une dizaine de mètre de lui.

Peu importe le choix que tu feras, l’une d’entre elle doit mourir. Elles ne sauront pas que c’est toi le tireur, c’est une récompense en soit, non ?

Pierre tente de regarder sa main, celle qui tient le revolver, mais il ne la voit pas. Il regarde à nouveau vers les halos. Cette fois, il y a deux personnes attachées sur des chaises, sous les halos. En les voyant, Il ne peut s’empêcher de hurler.

Sous les lumières, il y a deux jeunes femmes. Son ancienne flamme et sa propre femme.
Celle qui l’a plongé dans une profonde dépression, et celle qui l’en a fait sortir, qui lui a, à nouveau, fait croire encore à l’amour, le vrai.

À première vue son choix était facile. Il avait tellement souffert de la relation avec son ex. Le problème résidait dans la passion qu’il éprouvait encore pour celle-ci. Pierre n’avait jamais aimé comme il avait aimé cette fille, qui pourtant, l’avait laissé parce qu’elle ne se sentait pas bien dans sa peau à l’époque.

La première fille qu’il avait véritablement aimée, celle dont il croyait ne plus jamais pouvoir se passer. Celle a qui il pensait à tous les jours depuis ce temps.

Et sa femme, celle qui lui a dit qu’elle l’aimerait toujours, celle qui lui a montré que la vie c’est l’histoire d’amour dans toute ses possibilités, toutes ses folies. Celle qui lui dit à tous les jours qu’elle l’aime. Celle qui lui a proposé de lui faire des enfants la semaine passé.

Laquelle veux-tu voir survivre.

Pierre ne peut pas se résoudre à en voir une disparaître pour toujours. Il regarde les deux femmes, aucune à ses yeux ne mérite de mourir. La lumière réapparaît à sa droite. Cette fois ci dans la main, il y a un chargeur. Pierre veut saisir la main, mais celle-ci se dérobe et laisse tomber le chargeur.

Pierre fait quelques pas dans l’obscurité pour tenter de saisir le bras, mais le noir ne lui dévoile aucun corps, aucune âme qui vive. Il se penche et ramasse le chargeur à tâtons. Il tente de pointer l’arme sur lui, mais une force l’en empêche. Sa main se dirige alors vers l’avant. Alors là, à nouveau il a le contrôle de son bras, mais il ne peut pointer l’arme que vers l’avant.

Tu ne sortiras pas d’ici avant d’avoir fait un choix Pierre, et sache que j’ai tout mon temps.

Il regarde son ex. En vérité, Pierre la revoit pour la première fois depuis plus de 6 ans. Qu’est-ce qu’elle est belle. Elle était si vive, si enjouée. Le cœur sur la main et d’une naïveté déconcertante. C’est avec elle qu’il était parti en appartement avec une fille pour la première fois. Toujours prête à partir à l’aventure, elle ne vivait que pour vivre. Pleinement, avec peu de moyen, mais toujours partante pour une aventure. Tellement prête que le jour qu’il est parti un mois en France pour faire les vendanges, il est revenu pour voir que, pendant son absence, elle avait pris toutes ses affaires et lui avait laisser un mot lui disant qu’elle l’avait trompé et qu’elle ne trouvait plus le bonheur avec lui.

Est-ce que Pierre est amer de cette relation, oui, un peu, mais pas beaucoup. Car même si elle l’a laissé pour un autre, il se souvient également de tous les moments où ils étaient parfaitement heureux l’un avec l’autre. Ce premier baiser, interdit, parce qu’il avait une copine à l’époque. La première fois qu’ils avaient fait l’amour, pendant toute une nuit, s’endormant qu’au soleil levant. Leur semaine à Tadoussac, pendant laquelle ils avaient dormi à la belle étoile, voyageant de villes en villes sur le pouce. Et les moments où ils cuisinaient ensemble, créant des recettes tout simplement divines, et d’autres tout a fait exécrable, servant finalement de repas aux chats…

Elle l’avait rendu heureux, il avait prit goût à la vie, et tous deux se connaissaient comme s’ils avaient été prédestinés l’un pour l’autre, comme s’ils avaient été fait l’un pour l’autre…

Il regarde sa femme. Il avait eu quelques aventures avant de la rencontrer, mais il ne se complaisait jamais dans ces relations purement sexuelles. Les filles étaient comme des objets jusqu’au jour où il l’a rencontré. La lueur dans ses yeux l’avait fait revivre. Tout d’un coup, la vie reprenait un sens. La vie et l’amour émanaient de ses yeux. Après deux ans à trouver les filles vides de sens et d’intérêt, elle était apparue de nulle part pour lui faire vivre une des plus belles aventures de toute sa vie : l’amour. Peut-être non pas aussi passionné, mais simplement vrai, simple.

Elle faisait tout pour lui, lui laissant le temps qu’il voulait pour faire ce qu’il voulait. Elle se complaisait à l’aimer quand il en avait envie, et avec les années, il en avait de plus en plus envie. Elle était simple et il n’avait pas à se poser de question avec elle. Ils vivaient ensemble depuis trois ans déjà, et jamais il n’avait eu de problème entre eux. Ce qui en soit, à ses yeux constituait un problème. Elle ne le stimulait pas, ils ne faisaient que passer le temps ensemble, facilement, librement.

Pourtant, toutes deux avaient fait de lui l’homme qu’il était aujourd’hui. Toutes deux avaient fait de lui quelqu’un qui vivait bien dans la généralité de la vie. Et l’une d’entre elle devait mourir. Jamais il n’avait souhaité la mort de qui que se soit, alors que d’être un bourreau en ce moment lui donne l’envie de vomir.

Il pointe l’arme sur l’une, puis sur l’autre, puis change de mire à maintes reprises. Il sent des larmes coulées sur ses joues. Il ne peut définitivement se résoudre à tirer sur l’une ou l’autre.

Il a l’impression que ça fait des heures, des jours qu’il est là, à pointer l’une et l’autre des jeunes femmes. Tous les souvenirs se bousculent dans sa tête et pourtant, le choix est trop dur. Il y a bien eu les images et l’argent perdu durant sa dépression, mais tout les moments de passion intense qu’il a vécu avec son ex, tout cela justifie la peine qu’il a eu.

Et aussi tous les moments réconfortant de tendresse et d’affection qu’il a avec sa copine. Les cafés aux laits du dimanche matins, ces baises sous la pluie, les mots croisés du samedi qu’ils font conjointement. Et le bonheur qu’il a de vivre avec sa copine du moment !

Plusieurs heures se sont écoulés depuis qu’il s’est réveillé, et le chauffage de la pièce ne fait qu’augmenter. Plus tôt il avait été en sueur après sa course, désormais il n’avait même plus besoin de bouger pour être recouvert de sueur. Et c’est compter la fatigue qui lui ronge les yeux, il pleure sans cesse depuis un bon moment. IL essaie d’évaluer la situation, mais la seule pensée qu’il a, c’est qu’il trouve la situation complètement invraisemblable.

Les cernes, les larmes et la fatigue l’empêchent désormais de distinguer laquelle des filles est laquelle. Pierre ne peut pas se résoudre à en voir une disparaître, disparaître pour toujours. Par dépit, il pointe instinctivement le fusil sur l’une, puis sur l’autre. La pression est trop forte, il ferme les yeux, pointe l’arme sur lui-même et tire. Rien ne se produit.

Ce n’était pas une bonne idée, Pierre. Je t’ai prévenu, fait la voix, c’était l’une ou l’autre. Toi tu n’es qu’un messager, et le message doit parvenir au destinataire. Je me souviendrais de ta lâcheté.

Le noir se transforme en rouge, et juste comme il ouvre les yeux, il entend deux détonations.

Tu avais un choix simple, tu as voulu tricher… Telle est ta punition.

Et Pierre vit que des deux amours de sa vie, aucune n’était plus maintenant en vie.

Bon, maintenant, passons à tes parents. Papa ou Maman ?

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