(Bloodhound gang)
(Ce texte, même si vous vous en foutez, je le dédie à mon chum, Feu Jezz)
Attendre l’autobus, c’est un peu comme
jouer au bowling, ça me tente jamais vraiment.
L’autobus. Le bus. La bus. Le buss. Je prends jamais l’autobus de gaieté
de cœur. C’est tout le temps parce que j’y suis obligé.
Aujourd’hui, mon père est mort.
Selon les faits, c’est arrivé hier soir,
mais ma mère ne se souvenait plus de mon numéro de téléphone. Elle l’a retrouvé
ce matin. Je ne crois pas qu’elle l’ait retrouvé, je crois surtout que c’est la
voisine qui le lui a redonné.
Le vent est frais, c’est l’automne.
Prendre l’autobus, c’est aussi faire la
queue pour y embarquer. J’ai
l’impression que je suis un juif durant la deuxième guerre, qui attends le
train. Sauf que moi, je sais que je me dirige vers la mort.
Si ma mère ne conduisait pas, je me demande
si mon père m’aurait laissé son auto. Comme ça, la prochaine fois que quelqu’un
meurt, je pourrais m’y conduire par moi-même.
J’espère qu’il a tenu sa promesse, celle de
ne pas m’obliger à voir des gens pendant 3 jours dans un lieu où les gens pleurent.
La dernière fois que j’ai été dans un salon funéraire, je crois que j’étais
saoul. J’ai quelque peu l’impression qu’il en sera encore ainsi.
Trois jours… c’est interminable. Il m’avait
promis que ça serait un jour. En un jour, tout sera réglé. Le matin au salon,
l’après-midi à l’église et le soir dans un bar.
-
Ton père est mort.
Ça c’est ce que ma mère m’a dit. C’était
l’essence du message, mais elle n’a pas réussi à le dire au complet dès la
première fois. Quand j’ai pris le message, j’ai compris que c’était ça. Déjà
qu’elle m’appelle, c’était mauvais signe. Si j’avais pas été entrain de baiser
ma voisine, j’aurais répondu. Mais je ne l’ai pas fait. Je n’ai pas non plus
prit mes messages immédiatement.
-
Paul…(pleurs) ton…
(reniflements) père…(pleurs)…(plaintes et gémissements)… TON père est mooooort.
Fin du message.
Ça fesse dans le post coïtal.
Je suis quand même content d’avoir attendu
avant de prendre le message. C’est vraiment le genre de choses qui fait
débander. Je ne suis pas sur que ma voisine aurait appréciée.
J’ai tendu mon billet à la femme devant
l’autobus, elle la poinçonné, puis elle ma souhaité bon voyage. Le comble
aurait été que la compagnie d’autobus se nomme le Styx. Je vois les publicités
d’ici : jusqu’à votre destination, et même au-delà ! Styx, on vous amène
au bout du monde !
Bon voyage!
Dans les autobus voyageurs, le but c’est de
rentrer dans les premiers, et de s’assoir le plus loin possible, afin d’éviter
que des gens viennent s’assoir près de vous.
Quand je suis rentré chez moi, j’ai mis ce
que j’avais de propre dans un sac, et j’ai aussi pris du linge pour mon voyage.
J’pue. Assis au fond de mon siège, le
dossier baissé afin de démontrer mon inhospitalité, je constate que je sens
encore le sexe. Un mélange de sueur et de cyprine. J’pue l’cul. Mon père aurait été fier de moi, mais ce sera
pour une autre fois.
Et comme toujours, quand tu veux avoir la
paix, il y a toujours quelqu’un pour venir te faire chier. La merde, cette fois
ci, est une jeune fille. Je lui donne dans 18 ans, peut-être moins. J’ai ôté
mon sac du siège à côté de moi et je l’ai déposé violement à mes pieds.
Depuis des années, j’ai compris que pour
avoir la paix, il faut des écouteurs. Même pas besoin de Ipod, ou de lecteurs
quelconque. Tout ce qu’il te faut, c’est des écouteurs. Premièrement, ça montre
que tu n’es pas intéressé à parler, deuxièmement, ça permet de couper le son
ambiant, à condition de s’avoir acheté de bons écouteurs. J’ai de très bons
écouteurs.
Ensuite, je crois que je me suis assoupi.
Quand je me suis réveillé, j’ai senti une présence sur mon épaule. La petite
semblait s’être trouvée un confortable oreiller en mon épaule. J’ai tourné les
yeux vers la fenêtre, mi-chemin.
La nuit s’est doucement installée sur le
paysage. Je sens son souffle sur mon épaule.
Je pose mon regard sur son visage. Elle a les yeux fermés, mais elle ne
dort pas. La main entre ses cuisses, son manteau sur ses genoux, elle ne dort
pas.
Je sens son avant bras sur le mien. Elle se
branle. Toujours la tête dans le creux de mon épaule, elle ouvre les yeux.
-
ça te dérange ?
-
Mon père est mort.
-
Le mien aussi.
Fair enough. Nos pères sont morts. On a un
point en commun.
-
T’as baisé ce matin ?
-
2 fois, toi ?
-
tu sens la plotte. Ça me turn
on.
-
Mon père est mort.
-
Tu parles beaucoup.
Sa main a prit la mienne, et elle l’a
dirigée entre ses cuisses. Bien moite et sans aucune pilosité. Je n’ai pas
résisté.
-
T’es majeure ?
-
Tais-toi, et continue.
Mon père est mort pendant que je baisais,
et je doigte une fille alors que je me dirige vers ses funérailles. Si je
n’étais pas encore sous le choc de sa mort, je me demande comment j’aurais
réagis. Parfois il est peut-être mieux de ne pas réagir. Je me souviens d’un
prof d’université. Il me disait que la l’inaction se cachait souvent les plus
réactions.
Son souffle de plus en plus court donne une
sensation de sueur dans mon coup. Puis
comme l’horizon défilait devant mes yeux, j’ai senti son corps se crispée,
tendrement. Elle a saisit mon poignet, et l’a serrée si fort… ses ongles se
sont enfoncés sous ma peau.
Puis tranquillement, elle s’est réinstallée
sur mon épaule.
-
Ça te dérangerait de poser ta
tête ailleurs ?
-
T’es toujours comme ça ?
-
Juste les vendredi 14 septembre
2011.
-
Tu veux que je te suce ?
-
Non.
-
Ça te détendrait…
Elle s’est recouchée sur moi, sans rien
dire d’autre.
Je me suis rendormi.
Les lumières se sont allumées dans le bus,
et je me suis réveillé un peu blasé. Elle n’était plus à côté de moi, mais
j’avais dans la main un numéro de téléphone.
J’espère que ma mère ne le verra pas, c’est le genre de chose qui
s’explique un peu mal. Quoi ? C’est quoi ce numéro ? Ben voyons maman, c’est le
numéro de la fille qui m’a forcée a la doigtée dans l’autobus! Quoi !? C’est une bonne fille, elle m’a laissée son
numéro…
J’ai ramassé mon sac, et je suis sorti.
Il fait froid. On gèle. Y’a pas que l’hiver
qui est cruel…
Outre la conductrice et moi, il n’y a
personne au terminus.
Elle ferme l’autobus, et un autre chauffeur
prend sa place. Pendant que je m’allume une clope, je l’entends dire bonne
route à l’autre chauffeur.
Elle a ramassé son sac, et elle s’est
dirigé vers le stationnement, me croisant sur sa route.
-
Vous avez l’air un peu perdu,
jeune homme.
-
Vous habitez ici ?
-
Oui.
-
Euh, je sais que c’est un peu
impoli, mais croyez vous que vous pouvez me déposer chez moi ? Mon père est
mort.
-
Euh…ok. Veux tu en parler ?
-
Veux-tu prendre un verre ?
Et c’est comme
ça qu’on est embarqué dan sa voiture.
-
La fille à tes côtés, c’était
une de tes amies ?
-
Non, jamais vu avant.
-
C’est elle qui m’a dit que tu
dormais dur.
Elle a rit,
avant de poursuivre.
-
Il paraît qu’elle a essayé de
te réveiller, mais sans succès.
-
Ouain, j’ai le sommeil assez
profond.
-
T’habites où ?
-
Dans le coin des oiseaux. Mais
j’habite plus ici depuis un boutte.
-
Ouais, j’avais compris. Ton
père est mort.
-
Ouain.
-
Tu pues.
-
Je le sais.