lundi 13 décembre 2010

Hiver

(Jean Leloup)

Je suis une couverture.

Je ne pense pas tant à celle que l'on se glisse sous le cou quand il fait froid. Non. Je suis une couverture à son ennuie.

Je suis un personnage de sa vie. Je suis un figurant.

L'hiver passé, j'ai eu une promotion. De figurant, je suis passé à un personnage tertiaire. Celui qui est aussi récurrent qu'un mal de tête. On le voit de temps à autre, mais on ne se souvient pas comment il s'est retrouvé là.

On m'a vu à quelque reprise, puis je suis devenu un personnage secondaire. On me voyait plus souvent. J'aimais bien ce rôle, parce que j'avais espoir qu'il soit un premier rôle. Je me disais qu'on pourrait s'attacher à moi, que l'on m'aimerait. Qu'on parlerait de moi dans la rue, autour d'un café, en soupant.

Et puis, sans appel, mon rôle a été annulé durant le printemps. On l'a rayé. Disparu du générique quotidien. Ça laissé un grand vide, et ça m'a fait me requestionner sur moi-même. Est-ce que je jouais mal, est-ce que j'étais trop intense, pas assez. Est-ce que j'en demandais trop, ou tout simplement, est-ce que mon rôle était si nécessaire ?

Je n'ai pas cesser de me questionner, mais j'y ai mis moins de temps, moi d'effort, me disant que dans le fond, ce rôle, il n'était tout simplement pas fait pour moi dans cette histoire.

J'ai passé l'été à me chercher un nouveau rôle. Puis, j'ai abandonné. À l'automne, on m'a offert quelques petits rôles. Des rôles de figurants, mais j'en n'avais pas vraiment envie. J'ai remplis quelques contrats, ici et là, question de savoir si je pouvais encore jouer un peu. Question de pouvoir me regarder dans la glace chaque matin, et d'être encore capable d'y croire.

Pis après quelques flocons, l'hiver est revenu. Puis avec l'hiver, mon rôle tertiaire est revenu me hanter. Je suis une couverture. Le téléphone a sonné, et on m'a réoffert mon rôle de l'hiver précédant. Je suis une couverture, ça donne chaud quand on est autour de moi.

Et pourtant, moi, je continue d'avoir froid.

1 commentaire:

  1. T'aurais peut-être moins froid si tu te laissais, toi aussi, couvrir.


    Lolita.

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