vendredi 19 décembre 2008

La rencontre

Je hais mes amis, pour peu qu’ils soient, pour peu qu’il est. Jonathan m’a appelé vers les 4 heures pour m’inviter à aller prendre un verre chez eux. Pour me recevoir à souper à la bonne franquette, comme il a dit.

À ce moment là, vers les 16 heures, je trouvais que c’était une bonne idée. La journée au boulot avait été drôlement plate et j’avais envie de faire quelque chose de déridant ce soir. Jonathan est comme ça, il est déridant. C’est le genre de gars qui réussi à faire un karaoké dans une maison de retraite avec un cd d’eminem… Et ça marche.

Sa copine quant à elle, Julie, est une artiste en devenir, depuis 9 ans. En somme, c’est un beau couple, ça sent les bébés à venir… Un autre de ces couples. Dans mes élans de pessimisme les plus féroces, je ne les envie pas car dans moins de huit ans ils devront se voir une semaine sur deux, question de changer l’enfant de maison parental. Dans mes moments le plus optimistes, l’enfant choisira avec lequel il préfèrera vivre.

Maintenant qu’il est 7 heures, j’ai moins envie d’aller là. En fait, je suis devant la porte et la tentation de me sauver en courant est très forte. Il fait beau, je pourrais prétexter que je ne feel pas et aller me saouler chez moi, en mangeant des bretzels. Faut vraiment vouloir faire différent les français : Pretzel en anglais, Bretzel en français. Même produit brun et salé dans les deux langues.

Je suis devant la porte et quand j’entends des pas, provenant de l’intérieur, s’approchant de la porte, je sais que je n’ai plus d’échappatoire.

Mathieu. Accolade. Jonathan. Content de te revoir, en Stéréo.

- T’es jamais venu içi !
- En effet, je n’ai jamais eu cette chance !
- Ben là, tu sais que tu es toujours le bienvenue.

Pour lui, je suis toujours le bienvenue, mais la prochaine fois, s’il y en a une, je vais vérifier la liste des invités.

J’ai vu son vélo. C’est bien le sien, j’ai beau ne jamais l’avoir vu, je sais qu’elle est là. Je sais qu’il l’a fait exprès. Il a vraiment voulu m’inviter en même temps qu’elle. Et ça lui fait un malin plaisir de créer des situations inconfortables comme celle-ci.

En me regardant enlever mes chaussures, je lève les yeux vers lui et je ne suis pas du genre à cacher mon mécontentement. Il voit que je sais qu’elle est là. ELLE. La meilleure amie de sa blonde. Elle, mon ex.

Dans d’autres circonstances, voir un enterrement, j’aurais peut-être compris. Mais il y a deux ans, elle a décidé que nous n’étions plus un couple et depuis j’ai décidé qu’on ne devait plus se revoir, ni se parler…

Il sait, que je sais, qu’elle est là. Je doute qu’elle sache que je sois invité.. Et je ne sais pas si c’est elle ou moi qui vais quitter en premier.

J’enlève mon manteau, je marche vers, je présume, le salon.

- Vas-y, assis toi. Tu veux une bière, un verre de vin ?
- C’est quoi ton rouge ?
- C’est du blanc. On garde le rouge pour le souper.
- Ben m’en va te prendre une bière !
- Attaboy ! Vla le Mathieu que je connais !

Son manteau est sur le sofa, ça je le sais, c’est le sien, je le reconnais, on l’a acheté ensemble.

//////

- Est-ce que tu trouves qu’il me va bien ?
- Tu es sublime !
(Dans mes souvenirs, j’ai l’impression que j’étais capable d’avoir l’air d’être jubilé, je crois même que je pouvais l’être pour vrai)

- Est-ce que tu me cruiserais avec ce manteau ?
- C’est sûr que je ferais les premiers pas, même si je suis gêné. Je me dirais qu’une telle femme n’apparaît qu’une seule fois dans une vie !
(C’est con tout ce que l’on peut dire quand on est amoureux…)

///////

Jonathan m’interromps dans ma nostalgie, pleine d’amertume et de colère.

- Julie est partie faire les courses, il manquait des trucs pour faire à souper.
- Comme quoi ?
- Penses-tu vraiment que je vais vraiment tombé dans le panneau, je t’ai dis que c’était secret le souper.
- Bon…bon…bon…

Je scrute sa bibliothèque. Je crois bien reconnaître une dizaine de livre qui m’appartiennent. C’est vraiment bien, de voir que nos livres sont ailleurs. C’est une chose sur laquelle je ne croirais jamais assez, la récupération des livres. J’aime lire, j’aime les leçons que l’on peut tirer des livres. Et quand je parle de leçons, je ne parle pas de livre de psycho-pop, comme ils disent à l’université. Qui à mangé mon fromage, le secret, et bien d’autres, ne sont pas des livres dans lesquelles je crois que l’on peut bien apprendre. Quoique que si on adaptait : Le prince, de Machiavel, il serait surement un best-seller… je tâcherais d’y penser plus tard.

- Ouin John, je vois que tu as fais pas mal d’oubli dans ta bibliothèque !
- Des oublis ???

Il revient de la cuisine en me tendant une bière et en me souriant. Il dépose également deux autres bières sur la table du salon.

- Des oublies comme quoi ?
- De me les rendre !

L’amitié masculine se différencie de l’amitié féminine par la gestuelle. Notre amitié passe par le coude, celle des femmes par les yeux. Ensuite on se demandera pourquoi on est si différent d’un genre à l’autre. Je flanque un coup de bière à bière avec Jonathan.

- Pis, renchérit-il, fréquentes-tu quelqu’un de stable ?
- Est-ce si important que ce soit stable ou pas ?
- Non…non… Je me demandais si tu étais tombé amoureux !
- Je tombe amoureux à chaque fois que je vois une femme, je tombe amoureux comme on va au toilette, tout les jours…parfois plusieurs fois.

De bouchons en bières, on a bu trois bières le temps que sa blonde revienne. Sa blonde… Je ne sais pas pourquoi, je n’arrive pas encore à le comprendre, mais cette fille là je l’ai connue avant lui. Et jamais j’aurais pensé la lui présenté. C’était son amie à elle, sa best, sa sœur montréalaise.

Quand je l’ai connu, elle fréquentait plusieurs gars, dans différentes braguettes d’âges. Est-ce que je la juge ? La réponse est non. Est-ce que je la jugeais à l’époque ? La réponse est oui. Quand on est amoureux, on ne comprend pas les mœurs légères. On ne comprends pas que l’on puisse se donner, et là je parle de tout genre confondus, à des inconnus de passages. Que ce soit pour une nuit, une semaine, un mois, un an…Non, on veut que tout le monde aime, que tout le monde se défonce les tripes à aimer quelqu’un d’autres, et que ce soit aussi, mais jamais autant, viscérales que nous.

- Julie et moi, ça va vraiment bien. Depuis que je suis avec elle, je ne pense pas aux autres femmes.
- Et aux filles ?
- C’est arrivé qu’une seule fois.

Et quelle fois ! Il me l’a raconté trois fois. La première, c’est le soir que c’est arrivé, il devait venir coucher chez moi, après m’avoir appelé vers les 4 heures du matin pour savoir si mon divan était déjà occupé. La 2eme fois, c’est lendemain, quand je l’ai appelé pour lui demandé où il avait couché finalement. Et la dernière fois, c’est il y a un mois. Il a eu les bleus, il a fait l’erreur de se demander s’il était heureux avec Julie.

Il me la racontait pour 4eme fois, quand j’ai été obnubilé par une carte dans son salon, sur laquelle il y avait une photo d’elle.


La dernière fois qu’on s’est parlé, ça s’est fini mal. En fait, je lui ai dis qu’elle pouvait bien garder ses faux espoirs, ses mensonges pour elle. Ça faisait 6 mois qu’elle était avec son nouveau chum, et ça en faisant 3 que je le rendais cocu. Pauvre type, s’il savait ! Et puis les promesses : Je vais le laisser ! On va revenir ensemble ! On va redevenir Heureux ! On Va devenir des adultes ensembles ! ON va s’aimer !

Que de mensonges, de des déceptions. Et ça m’a fait si mal, que j’ai souhaité qu’elle ou moi, qu’un des deux meurt. J’ai eu tellement mal que j’ai tout fichu en l’air. Est-ce que je le regrette ? Je la regrette comme une marguerite, pour moi : passionnément, à la folie. Pour les autres : Pas du tout.

Je veux aller voir la carte qu’il y a dans la bibliothèque, mais comme je me lève, j’entends la porte d’entrée ouvrir. Aussitôt je me rassois et fais semblant de m’intéresser à un magazine posé sur la table du salon.

C’est Julie. Avec lui… le nouveau copain de mon ex.

Les bras chargé de paquet, il a levé les yeux vers moi. L’espace d’une seconde, il a tout déposé sur le sol. Sans que je n’ai eu le temps de réagir, les trois bières ayant eus leur effets, il est venu vers moi et il m’a donné un surprenant, et malgré sa petite stature, puissant coup de poing.

Je suis sur le canapé, je goute le fer dans ma bouche et je sens que l’une de mes dents fait office de poids sur ma langue. Premier réflexe, passer ma langue sur mes dents. Une molaire. Parfait, ça ne paraitrait pas lorsque je vais sourire. Le deuxième réflexe, me venger.

Je me relève du sofa, et je l’avoue, encore un peu sonné, je veux appliquer la loi du Talion. Mais Jonathan me retient. IL est sur le sol et il pleure.

- Jamais…dit-il…Jamais elle ne m’a aimé comme elle t’a aimé.
- Pourtant, c’est avec toi qu’elle est !

Je bouille de colère, j’ai envie de faire de sa figure un souvenir pour ses proches et lui-même.

- Qu’elle…qu’elle…qu’elle était.

Et c’est la victoire, elle a laissé ce pauvre Freluquet.

- Tout le monde s’est demandé pourquoi tu n’étais pas à l’enterrement…

On se sépare deux fois, une première fois quand l'amour est mort, une seconde quand un sentiment renait.
Alice Fernay

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire